Le jeudi 5 juin 2025


Lettre à Véronique Fontaine, 

Présidente-directrice générale,

et aux administrateur·ices du Conseil des arts et des lettres du Québec



Chère Véronique Fontaine, chè·re·s administrateur·ices,

Nous prenons la plume pour accueillir la confirmation de Madame Fontaine à la tête du plus important organisme de soutien aux arts et aux artistes du Québec, le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). À la veille du dépôt du budget du CALQ, nous en profitons pour vous rappeler les demandes formulées à maintes reprises par les artistes au cours de la dernière année. 

Dans quelques semaines, le CALQ publiera un budget annuel augmenté de quelque 40 $ millions, résultat de la mobilisation tenace d’un milieu des arts à bout de souffle et qui n’est que le début d’une solution en vue de retrouver notre vigueur. La Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ), acteur clef de ce mouvement, attend avec impatience de voir à quels programmes vous choisirez d’allouer les sommes pour lesquelles elle s’est battue. Notre demande au CALQ est claire : qu’une majorité de ces 40 $ millions soit versée aux quatre programmes de soutien à la recherche et à la création pour les artistes indépendant⋅e⋅s. 

Pourquoi publier cette lettre aujourd’hui ? Parce que l’objet de notre requête est trop important pour attendre en silence la publication d’un budget dont nous, la communauté artistique, ne savons rien, mais qui aura une incidence déterminante sur notre capacité à poursuivre nos activités ou non. 

Ce n’est pas faute d’avoir demandé à être informé⋅e⋅s des orientations que le CALQ entendait donner à ce budget. Néanmoins, nous sommes toujours dans le brouillard quant aux priorités budgétaires de votre administration. La récente présentation de ses orientations stratégiques, à laquelle nous avons pu assister, n’avait rien pour nous rassurer. Nous y avons entendu les mots d’ordres qui, il y a dix ans déjà, agitaient les lèvres de tant de politicien⋅ne⋅s et de fonctionnaires, sans que cela n’ait sorti les artistes de la pauvreté : découvrabilité, circulation des œuvres, développement des publics, rayonnement des œuvres québécoises « dans l’environnement numérique », soutien à la relève… Mais encore ?

Sans nier l’importance de développer les publics, de soutenir la relève et d’assurer une visibilité des arts québécois dans un environnement numérique compétitif, nous attendons une proposition à la hauteur de la mobilisation historique de nos milieux. Nous attendons un soutien financier immédiat et direct aux artistes qui créent cet art, à toutes les étapes de leur carrière. Point. C’est ce que les artistes ont répété dans la rue et dans les médias depuis plus d’un an, et c’est ce que nous guetterons dans le budget 2025-2026. 

Rappelons le contexte de cette demande. Rappelons qu’en 2024, l’entièreté des 10 $ millions d’urgence grattés par le ministère de la Culture est allée aux organismes, et non aux artistes. Rappelons que, pour de très nombreux⋅ses artistes – notamment dans les arts visuels et la littérature – cette majoration des budgets des organismes n’a aucune incidence sur les fonds disponibles pour la création. Rappelons que les artistes vont mal, financièrement et dans leur quête de sens et de reconnaissance sociale. Rappelons que le développement des publics ne se traduit pas nécessairement par une augmentation des revenus pour les artistes (voir la minceur des redevances versées par les plateformes numériques, ou le fait que bien des activités culturelles sont gratuites et ne génèrent donc aucune entrée financière). Rappelons que le travail de création est le premier élément de la « chaîne de valeur » que veut soutenir le CALQ, et est aujourd’hui grandement précarisé par les taux de refus très élevé des programmes de soutien à la recherche (78% en 2023-24) et à la création (78,9% en 2023-24), encore pis pour les artistes issus de la diversité (80,7%). 

Nous nous interrogeons avec bienveillance, mais inquiétude : en ces temps de crises, le CALQ sera-t’il l’allié que nous, artistes et travailleur⋅euse⋅s de l’art, avons besoin qu’il soit ? Nous avons lutté pour une augmentation de son budget afin qu’il puisse mieux soutenir les besoins pressants des artistes – pas pour qu’il puisse mieux défendre l’agenda, orienté publics et numérique, du gouvernement. 

Les artistes sont les premières personnes concernées par vos décisions politiques : nous voulons faire partie des discussions dès maintenant, pour ne pas avoir à reprendre la rue plus tard. La GMAQ veut être un membre actif des tables de dialogues qui influenceront les modalités du soutien aux artistes «à projet» dans les années à venir, pour nous assurer que celles-ci soient arrimées à leurs besoins réels et ce, dans toutes les disciplines. 

Madame Fontaine, vous nous dites que vous avez entendu les voix des artistes : nous sommes ravi.e.s de le savoir et avides de voir comment cette écoute se traduira dans le budget 2025-2026. 

Bien à vous, 

La Grande mobilisation pour les arts au Québec