Le jeudi 7 août 2025


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Les arts sont aussi d’intérêt national


Alors que la guerre tarifaire occupe tout l’espace politique à Ottawa, nous, artistes rassemblé.e.s sous la bannière de la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ), nous demandons où sont les arts et la culture. Des milliards semblent poindre dans les coffres pour de grands « projets nationaux » à la saveur du projet de loi C-5. Mais tout porte à croire que les arts ne font pas partie des priorités de l’intérêt national.

Alors que nous avons un (re)nouveau ministre de la culture (officiellement du Patrimoine), Steven Guilbeault, nous nous demandons s’il mettra l’énergie nécessaire pour que les arts fassent partie des grands projets fédéraux des prochaines années.

Durant la campagne, il s’était d’ailleurs engagé à travailler à une augmentation de 140 M$ au Conseil des arts du Canada et du même montant à Patrimoine Canadien. Les libéraux fédéraux auront beau se vanter d’avoir doublé le budget du Conseil depuis 2015, une grande part de cette augmentation a été engloutie, depuis, par l’inflation galopante. 

Sans oublier que nous sommes actuellement loin d’une hausse de budget. Le Conseil s’est fait imposer une réduction de ses dépenses de 9,88 M$ jusqu’en 2027. Puis, en juillet dernier, les ministres ont été « invité.e.s » à couper 15 % des dépenses au sein de leur portefeuille pour les trois prochaines années. Comme on dit, ça regarde mal.

Est-il nécessaire de rappeler les sempiternels arguments de la nécessité autant sociale qu’économique de la culture ? Est-il indispensable d’étaler encore sur la place publique la grande pauvreté et la précarité des artistes? Et de démontrer que quelques points de pourcentages des montants investis pour, par exemple, protéger les Américains contre une fallacieuse exportation de fentanyl canadien, changerait tout pour le secteur des arts?

Cette augmentation de budget est essentielle. Comme le rappelle le Conseil des arts du Canada, les demandes au programme de soutien à  la création ont triplé depuis 2017. C’est aujourd’hui entre un et deux projets sur dix qui sont financés. Une hécatombe qui se traduit par des milliers d’heures de travail perdues pour tous ces artistes qui voient leur projet refusé, en plus d’affecter directement leur niveau de vie. Ainsi, comme nous l’avons demandé pour le Conseil des arts et des lettres du Québec, de nouvelles sommes doivent être dirigées massivement vers les membres les plus vulnérables (et pourtant essentiel.le.s) de l’écosystème des arts : les artistes indépendant.e.s.

Une autre des promesses libérales en matière culturelle est d'œuvrer à mettre en place un filet social pour tou.te.s les artistes travailleur.euse.s autonomes, et ce, durant la présente législature. Cela laisse quatre ans pour créer une révolution plus que nécessaire. Pas huit, pas « éventuellement ». Quatre ans. 

Nous tenons à rappeler au ministre cet échéancier, car oui, nous avons peur. Peur que cette promesse soit le socle d’un nouvel attentisme; un miracle sous la forme d’un mirage. Une annonce dilatoire qui ne servirait qu’à nous démobiliser et à réinstaller l’inertie politique qui a fait qu’aujourd’hui les artistes sont parmi les travailleur.euse.s les moins protégé.e.s.

La GMAQ réunira d’ailleurs le milieu culturel à travers le Québec le 20 septembre prochain lors de la journée Filer le social pour réfléchir collectivement à la nécessité d’un soutien financier pérenne pour les artistes et aux modalités possibles de sa mise en place. Nous appelons à une mobilisation de toutes les disciplines et espérons qu’elle ralliera, à terme, l’ensemble du secteur des arts au pays.

Nous souhaitons travailler activement avec le ministre sur ces enjeux. D’ici-là, nous resterons prêt.e.s à nous mobiliser si le gouvernement tourne le dos à la culture et démontre que, pour lui, elle n’est pas une composante fondamentale de l’intérêt national.


La Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ)


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The Arts Are Also of National Interest


While the tariff war dominates the political discourse in Ottawa, we, artists united under the banner of the Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ), ask: where are the arts and culture? Billions seem to be flowing into the coffers for major "national projects" reminiscent of Bill C-5. Yet, all signs suggest that the arts are not considered a national priority.

Now that we have a (re)newed Minister of Culture (officially of Canadian Heritage), Steven Guilbeault, we wonder whether he will put in the necessary effort to ensure the arts are part of the federal government’s major initiatives in the coming years.

During the election campaign, he committed to increasing funding by $140 million for both the Canada Council for the Arts and Canadian Heritage. While the federal Liberals boast of having doubled the Council’s budget since 2015, much of that increase has since been eroded by rampant inflation.

Let us not forget that we are currently far from a budget increase. The Council has been ordered to cut $9.88 million from its expenditures by 2027. Then, in July, ministers were "invited" to cut 15% from their departmental spending over the next three years. As the saying goes, things are not looking good.

Is it necessary to once again repeat the age-old arguments about the social and economic importance of culture? Must we again lay bare the deep poverty and precarity of artists? And show that just a fraction of the funds earmarked, for example, to protect Americans from the supposed export of Canadian fentanyl, would completely transform the arts sector?

This budget increase is essential. As the Canada Council for the Arts notes, applications to its creation support programs have tripled since 2017. Today, only one or two out of ten projects are funded. This is a catastrophe that results in thousands of hours of wasted work for artists whose projects are rejected — directly affecting their livelihoods. As we have also demanded of the Conseil des arts et des lettres du Québec, new investments must be massively directed toward the most vulnerable (yet essential) members of the arts ecosystem: independent artists.

Another Liberal promise in terms of culture is to establish a social safety net for all self-employed artists during the current parliamentary term. That leaves four years to deliver a long-overdue revolution. Not eight, not “eventually.” Four years.

We remind the Minister of this timeline, because yes, we are afraid. Afraid that this promise will become the foundation for a new era of political foot-dragging; a miracle that turns out to be a mirage. A delaying tactic that would only serve to demobilize us and reinstate the political inertia that has left artists among the most unprotected workers today.

The GMAQ will also bring together the cultural community across Quebec on September 20 for a day of collective reflection called Filer le social, focused on the need for stable financial support for artists and the possible ways to implement it. We call for mobilization across all disciplines and hope it will ultimately unite the entire arts sector across the country.

We wish to work actively with the Minister on these crucial issues. Until then, we remain ready to mobilize if the government turns its back on culture and shows that, in its eyes, it is not a fundamental component of the national interest.


La Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ)